Comptabilité‑pour‑tous : succession au portugal – comment gérer un compte bancaire hérité à l’étranger ?

La gestion d'une succession impliquant des comptes bancaires au Portugal peut s'avérer complexe pour les héritiers français. Entre les différences juridiques, les procédures administratives et les implications fiscales, il est crucial de bien comprendre les enjeux pour éviter tout écueil. Que vous soyez face à un héritage inattendu ou que vous cherchiez à planifier votre propre succession, maîtriser les subtilités du droit successoral portugais et ses interactions avec la législation française est essentiel.

Cadre juridique de la succession au portugal

Code civil portugais et lois successorales

Le droit des successions au Portugal est principalement régi par le Code civil portugais. Ce corpus juris établit les règles fondamentales concernant la transmission du patrimoine d'une personne décédée. Il définit notamment l'ordre des héritiers légaux, les droits du conjoint survivant et les parts réservataires. Une particularité importante du droit portugais est la notion de legítima , qui correspond à la part de l'héritage obligatoirement réservée aux héritiers légaux, limitant ainsi la liberté testamentaire.

Le système successoral portugais diffère sensiblement du droit français, notamment en ce qui concerne la répartition des biens entre les héritiers. Par exemple, au Portugal, le conjoint survivant bénéficie généralement d'une part plus importante de la succession qu'en France. Cette différence peut avoir des implications significatives pour les familles franco-portugaises ou les propriétaires français de biens au Portugal.

Règlement européen sur les successions (650/2012)

Depuis août 2015, le Règlement européen sur les successions (650/2012) s'applique dans la plupart des pays de l'Union européenne, dont le Portugal et la France. Ce texte vise à harmoniser les règles de compétence judiciaire et de loi applicable en matière de successions internationales. Il introduit notamment le principe de l'unité de la succession, selon lequel une seule loi s'applique à l'ensemble des biens du défunt, quel que soit leur lieu de situation.

Un élément clé de ce règlement est la possibilité pour une personne de choisir la loi applicable à sa succession. Ainsi, un Français résidant au Portugal peut opter pour l'application du droit français à l'ensemble de sa succession, y compris pour ses biens situés au Portugal. Cette option doit être expressément stipulée dans un testament ou une déclaration spécifique.

Le Règlement européen sur les successions a considérablement simplifié la gestion des successions transfrontalières au sein de l'UE, offrant plus de prévisibilité et de sécurité juridique aux citoyens européens.

Accord bilatéral France-Portugal sur les successions

En complément du Règlement européen, la France et le Portugal ont conclu un accord bilatéral spécifique en matière de successions. Cet accord, signé en 1971, vise à éviter les doubles impositions et à faciliter la coopération entre les administrations fiscales des deux pays. Bien que certaines de ses dispositions aient été supplantées par le Règlement européen, il reste pertinent pour certains aspects fiscaux de la succession.

L'accord prévoit notamment des mécanismes de crédit d'impôt pour éviter que les héritiers ne soient doublement taxés sur les biens hérités. Il établit également des règles de répartition du droit d'imposer entre les deux pays, en fonction de la nature et de la localisation des biens successoraux.

Procédure de déblocage d'un compte bancaire hérité au portugal

Certificat successoral européen et son utilisation

Le Certificat successoral européen (CSE) est un document clé pour faciliter le règlement des successions transfrontalières au sein de l'UE. Créé par le Règlement 650/2012, il permet aux héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires ou administrateurs de la succession de prouver leur qualité et d'exercer leurs droits dans un autre État membre, sans avoir à engager de procédures supplémentaires.

Pour débloquer un compte bancaire hérité au Portugal, le CSE est particulièrement utile. Il permet de justifier auprès de la banque portugaise de votre qualité d'héritier et de vos droits sur le compte en question. Pour l'obtenir, vous devez vous adresser à l'autorité compétente du pays où la succession est ouverte, généralement un notaire en France ou au Portugal.

Déclaration de succession auprès de l'autoridade tributária e aduaneira

Avant de pouvoir accéder aux fonds d'un compte bancaire hérité au Portugal, il est nécessaire d'effectuer une déclaration de succession auprès de l' Autoridade Tributária e Aduaneira (AT), l'équivalent portugais de l'administration fiscale française. Cette déclaration, appelée Modelo 1 do Imposto do Selo , doit être soumise dans les trois mois suivant le décès.

La déclaration doit inclure un inventaire détaillé des biens du défunt situés au Portugal, y compris les comptes bancaires. Il est crucial de fournir des informations précises et exhaustives pour éviter tout retard ou complication dans le processus de déblocage des fonds.

Démarches auprès de la banque portugaise (caixa geral de depósitos, millennium bcp, etc.)

Une fois la déclaration de succession effectuée et le Certificat successoral européen obtenu, vous pouvez entamer les démarches auprès de la banque portugaise où le compte est détenu. Les grandes banques portugaises comme la Caixa Geral de Depósitos ou Millennium bcp ont généralement des procédures spécifiques pour le traitement des successions.

Vous devrez fournir à la banque les documents suivants :

  • Le Certificat successoral européen
  • Une copie de l'acte de décès
  • Une preuve de votre identité
  • La déclaration de succession portugaise (Modelo 1)
  • Tout autre document requis par la banque (testament, acte de notoriété, etc.)

La banque procédera ensuite à la vérification des documents et, une fois satisfaite, débloquera le compte en faveur des héritiers désignés.

Rôle du notaire dans le processus de succession transfrontalière

Le notaire joue un rôle central dans le règlement d'une succession transfrontalière impliquant des comptes bancaires au Portugal. En France comme au Portugal, le notaire est l'interlocuteur privilégié pour gérer les aspects juridiques et fiscaux de la succession.

Un notaire français peut vous aider à :

  • Établir l'acte de notoriété prouvant votre qualité d'héritier
  • Obtenir le Certificat successoral européen
  • Coordonner avec un homologue portugais pour les aspects spécifiques au droit local
  • Vous conseiller sur les implications fiscales en France

Il est souvent recommandé de faire appel à un notaire dans chaque pays concerné pour s'assurer que tous les aspects de la succession sont correctement traités selon les législations respectives.

Implications fiscales pour les héritiers français

Convention fiscale franco-portugaise et double imposition

La convention fiscale entre la France et le Portugal joue un rôle crucial dans la prévention de la double imposition des successions. Signée en 1994, cette convention établit des règles précises pour déterminer quel pays a le droit d'imposer les différents éléments d'une succession transfrontalière.

Selon cette convention, les biens immobiliers sont généralement imposés dans le pays où ils sont situés, tandis que les biens mobiliers (y compris les comptes bancaires) sont imposés dans le pays de résidence du défunt. Cependant, des exceptions existent, et il est essentiel de consulter un expert fiscal pour comprendre précisément comment ces règles s'appliquent à votre situation spécifique.

Déclaration des avoirs étrangers à l'administration fiscale française

Les héritiers français d'un compte bancaire au Portugal ont l'obligation de déclarer cet avoir à l'administration fiscale française. Cette déclaration s'effectue via le formulaire n°3916, qui doit être joint à la déclaration annuelle de revenus. Il est important de noter que cette obligation s'applique même si le compte n'a pas généré de revenus.

Le non-respect de cette obligation peut entraîner des sanctions financières importantes. En 2023, l'amende pour non-déclaration d'un compte étranger s'élève à 1 500 € par compte non déclaré, montant qui peut être porté à 10 000 € si le compte est situé dans un État non coopératif.

La transparence fiscale est cruciale dans le contexte des successions internationales. Une déclaration rigoureuse des avoirs étrangers permet d'éviter des complications ultérieures avec l'administration fiscale.

Impôt sur les successions au portugal (imposto do selo)

Contrairement à la France, le Portugal n'applique pas de droits de succession à proprement parler. Cependant, un Imposto do Selo (droit de timbre) est prélevé sur certaines transmissions à titre gratuit, y compris les successions. Le taux standard de cet impôt est de 10%, mais de nombreuses exemptions existent, notamment pour les transmissions en ligne directe (parents, enfants) et entre conjoints.

Il est important de noter que même si un héritier français n'est pas soumis à l' Imposto do Selo au Portugal, il reste redevable des droits de succession en France sur les biens hérités à l'étranger, conformément à la législation fiscale française.

Gestion à distance d'un compte bancaire portugais hérité

Services bancaires en ligne transfrontaliers

La gestion à distance d'un compte bancaire hérité au Portugal peut être facilitée par l'utilisation des services bancaires en ligne. De nombreuses banques portugaises proposent des plateformes de online banking accessibles depuis l'étranger, permettant aux héritiers de surveiller les mouvements du compte, d'effectuer des virements ou de gérer les placements sans avoir à se déplacer physiquement au Portugal.

Cependant, l'accès à ces services après un héritage n'est pas automatique et nécessite généralement des démarches spécifiques auprès de la banque. Il est recommandé de se renseigner auprès de l'établissement bancaire concerné sur les procédures à suivre pour obtenir un accès en ligne en tant qu'héritier.

Procuration bancaire internationale

Dans certains cas, il peut être judicieux d'établir une procuration bancaire internationale pour faciliter la gestion du compte hérité. Cette procuration permet à une personne de confiance, résidant au Portugal ou ayant la possibilité de s'y rendre régulièrement, d'effectuer des opérations sur le compte en votre nom.

La mise en place d'une telle procuration nécessite généralement les étapes suivantes :

  1. Rédaction d'un document de procuration détaillant les pouvoirs accordés
  2. Authentification de la procuration par un notaire français
  3. Traduction assermentée du document en portugais
  4. Légalisation ou apostille du document pour son utilisation au Portugal
  5. Présentation de la procuration à la banque portugaise pour validation

Conversion et rapatriement des fonds en france

Le rapatriement des fonds d'un compte bancaire portugais hérité vers la France implique plusieurs considérations, notamment en termes de change et de fiscalité. Si le compte est en euros, le transfert est simplifié, mais des frais bancaires peuvent s'appliquer. Pour les comptes en devises étrangères, il faut tenir compte des taux de change et des éventuels frais de conversion.

Avant de procéder au rapatriement, il est crucial de s'assurer que toutes les obligations fiscales liées à la succession ont été remplies, tant au Portugal qu'en France. De plus, il est recommandé de conserver une trace documentaire détaillée de toutes les opérations effectuées, qui pourra être utile en cas de contrôle fiscal ultérieur.

Complexités et cas particuliers

Comptes joints et droits du conjoint survivant

La gestion d'un compte joint dans le cadre d'une succession au Portugal présente des particularités. Contrairement à certaines idées reçues, le décès d'un cotitulaire ne permet pas automatiquement au survivant de disposer librement de l'intégralité des fonds. La part du défunt est incluse dans la succession et soumise aux règles de partage successoral.

Au Portugal, les droits du conjoint survivant sur un compte joint peuvent varier en fonction du régime matrimonial choisi et des dispositions testamentaires éventuelles. Il est crucial de clarifier ces aspects avec un notaire portugais pour éviter tout litige avec les autres héritiers potentiels.

Succession ab intestat et spécificités portugaises

En l'absence de testament, la succession est régie par les règles de la succession ab intestat . Au Portugal, ces règles diffèrent de celles en vigueur en France, notamment en ce qui concerne l'ordre des héritiers et la répartition des parts. Par exemple, au Portugal, le conjoint survivant est considéré comme un héritier légal au même titre que les descendants, ce qui n'est pas le cas en France.

La legítima , ou part réservataire, est également calculée différemment au Portugal. Elle représente généralement deux tiers de la succession pour les descendants et le conjoint, laissant seulement un tiers de quotité disponible. Cette répartition peut créer des situations complexes pour les familles franco-portugaises, nécessitant souvent l'intervention d'experts juridiques des deux pays.

Contentieux successoral international et juridiction compétente

En cas de litige concernant une succession impliquant des comptes bancaires au

Portugal, plusieurs aspects doivent être pris en compte pour déterminer la juridiction compétente et la loi applicable. Le Règlement européen sur les successions (650/2012) établit des règles claires à cet égard, mais leur application peut s'avérer complexe dans des situations transfrontalières.

En principe, les tribunaux de l'État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès sont compétents pour statuer sur l'ensemble de la succession. Cependant, si le défunt avait choisi la loi d'un autre État membre pour régir sa succession, les parties concernées peuvent convenir que les tribunaux de cet État membre aient une compétence exclusive.

Dans le cas d'un contentieux impliquant des comptes bancaires au Portugal, plusieurs scénarios peuvent se présenter :

  • Si le défunt résidait habituellement au Portugal, les tribunaux portugais seront généralement compétents.
  • Si le défunt résidait en France mais avait choisi la loi portugaise, les tribunaux portugais pourraient être compétents si les parties en conviennent.
  • Si le litige concerne spécifiquement les biens situés au Portugal, les tribunaux portugais pourraient avoir une compétence subsidiaire.

Il est important de noter que la détermination de la juridiction compétente peut avoir des implications significatives sur le déroulement de la procédure et son issue. Les différences de procédure, de délais et même d'interprétation du droit entre les juridictions françaises et portugaises peuvent influencer considérablement le règlement du litige.

La complexité des successions internationales souligne l'importance de consulter des experts juridiques dans les deux pays concernés dès qu'un contentieux se profile à l'horizon.

En cas de litige, il est recommandé de chercher d'abord des solutions amiables, comme la médiation internationale, avant d'engager des procédures judiciaires coûteuses et potentiellement longues. Si le recours aux tribunaux s'avère inévitable, une stratégie juridique bien pensée, prenant en compte les spécificités des deux systèmes juridiques, sera cruciale pour défendre efficacement vos intérêts.

En conclusion, la gestion d'un compte bancaire hérité au Portugal dans le cadre d'une succession franco-portugaise nécessite une compréhension approfondie des cadres juridiques et fiscaux des deux pays. De la déclaration initiale à l'administration fiscale jusqu'à la gestion quotidienne du compte, en passant par le possible rapatriement des fonds, chaque étape requiert une attention particulière aux détails et souvent l'assistance de professionnels spécialisés.

Les héritiers français se trouvent face à un défi de taille : naviguer entre deux systèmes juridiques et fiscaux tout en respectant les volontés du défunt et en préservant l'harmonie familiale. La clé d'une gestion réussie réside dans une planification minutieuse, une communication transparente entre les parties concernées et, si nécessaire, le recours à des experts en droit international des successions.

Avec l'augmentation des mobilités internationales et des patrimoines transfrontaliers, ces situations sont appelées à devenir de plus en plus fréquentes. Une bonne compréhension des enjeux et des procédures en jeu permettra aux héritiers de transformer ce qui pourrait être perçu comme un fardeau administratif en une opportunité de gérer efficacement un patrimoine international.

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